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La Citroën Traction

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La Citroën Traction

 

Une voiture audacieuse, technique, innovante mais qui a failli faire disparaitre la marque

 

 

©citroenorigins.fr

Parler de la Citroën Traction c’est aborder un mythe de l’histoire automobile française, d’une voiture qui symbolise tout autant la révolution Citroën, les collabos de la 2ndGuerre Mondiale mais également les Résistants Français qui peignaient FFI sur les portières…les deux se déplaçant dans le même type de voiture.
La Traction fut commercialisée dès Avril 1934 mais officiellement présentée avec une gamme complète lors de la 28èmeEdition du Salon de l’Automobile de Paris (4 Octobre 1934). Initialement baptisée « la 7 », pour sept chevaux fiscaux, elle passa à la postérité sous le nom de « Traction » faisant ainsi référence au fait qu’il s’agissait d’une traction avant, une technologie relativement inédite pour l’époque. A noter qu’une traction 11 fut également dévoilée à l’époque, onze indiquant le nombre de chevaux fiscaux ainsi qu’une « Citroën 22 » équipé d’un V8 de 3.8L (100ch).

Oui vous avez bien lu « relativement » car contrairement à une idée assez répandue il ne s’agissait nullement de la première voiture à traction avant, même s’il est vrai que 98% des voitures de l’époque étaient à traction arrière.
En effet dès 1897 un certain Georges Latil propose une voiturette dont la puissance est transmise aux roues avant. Par la suite, en 1904 un dénommé Walter Christie fut à l’origine d’une voiture de course équipée d’un moteur situé à l’avant, en position transversale. Tout comme la future Traction il n’y avait pas de transmission aux roues arrière et la garde était abaissée. Par la suite, en 1924 Harry Miller, ingénieur américain et constructeur de voitures de course lança une voiture à traction avant, équipée d’un V8. Dès 1926 l’Alvis, toujours en traction avant fut proposée sur le marché anglais. En France l’ingénieur de génie Jean Albert Grégoire qui fut l’un des principaux pionniers de la technologie de traction avant proposa en 1927 la Tracta Gephi. Pour la petite histoire elle fut même engagée en 1928 sur les 24h du Mans.

©citroenorigins.fr (Citroën 22)

En 1929 c’est au tour d’Errett Lobban Cord de commercialiser deux voitures équipées d’un moteur situé à l’avant. D’autres constructeurs ont également sorti des voitures dont la puissance est transmise aux roues avant précédant de quelques mois André Citroën tels que Rosengart, Stoewer, Adler, Chenard & Walcker… Même si comme nous venons de le voir la Citroën Traction était donc loin d’être la première voiture dont le moteur transmet la puissance aux roues avant on peut lui accorder toutefois le fait d’être la première à l’avoir été à l’échelle industrielle.
Au final le « mythe » voulant qu’André Citroën fut le premier a innover en proposant cette technologie doit certainement beaucoup au talent reconnu (et aux moyens) en matière de publicité et de communication de l’entrepreneur français. Un exemple pour illustrer son talent, ne disposant pas d’assez d’espace sur le salon il n’hésita pas a également exposer ses modèles Traction 22 sur de célèbres places Parisiennes (Europe…) durant toute la période du salon…. Ingénieux et gratuit comme moyen de promotion !

Revenons à l’histoire de notre fameuse « Traction »

Même si le projet fut mené sous la direction d’André Lefebvre nous devons les belles lignes de la Traction au dessinateur Flaminio Bertoni. C’est en mars 1932 que l’ambitieux projet au nom de code : PV pour Petite Voiture est lancé par André Citroën, riche, talentueux et audacieux industriel français afin de prévenir la fin de vie de la Citroën Rosalie. Pour cela il débaucha en 1933 Andrée Lefebvre, ingénieur de génie qui travaillait jusque-là pour Louis Renault et lui donna carte blanche pour le développement de ce modèle. Il semblerait même qu’au début de cette aventure André Citroën aurait souhaité un moteur à plat… faute de temps il y renonça.

Le cahier des charges de 1932 était de concevoir une voiture à traction avant, aux lignes innovantes, 7 chevaux, 7 litres au 100 et pouvant atteindre 100km/h chargée avec 4 passagers. Dès le début ils se fixèrent comme objectif que la voiture sorte sous deux à trois ans. Un délai tout aussi ambitieux et audacieux (totalement intenable aujourd’hui) que le projet en lui-même mais qui sera également source de gros problèmes pour la marque aux chevrons…

©citroenorigins.fr

Même si la conception sur « papier » alla assez vite la réalisation s’avéra plus compliquée… les premiers prototypes furent synonymes de problèmes à répétition. Ils comprirent rapidement que pour produire cette voiture ils allaient devoir repenser totalement l’usine Citroën du quai de Javel (Paris), autant dans l’organisation du travail que dans les outils de production… La traction ne reprenant pas d’éléments mécaniques de la Rosalie il fallait donc tout revoir. Cela n’effraya pas André Citroën qui n’hésita pas à investir toute sa fortune dans ce projet.
A cela se rajouta les répercussions de la crise économique de 1929 qui produisait toujours en 1933 des ondes de choques sur l’économie française… menant ainsi à des grèves, à des baisses du revenu moyen des Français… Combinés à l’explosion des coûts liés au projet le cocktail est explosif pour la firme !

En 1934, pressé par la situation financière catastrophique de l’entreprise André Citroën impose aux ingénieurs de sortir la Traction à l’occasion du Salon de l’Automobile de Paris… et ceci même si la voiture n’avait pas eu le temps de faire assez d’essais sur route ni le temps d’être totalement finalisée. Cette présentation s’est fait tellement à la hâte que tous les modèles présentés sur le stand ne sont pas équipés de moteurs, certains avaient ainsi leurs capots soudés. Toutefois le temps pressant, il fallait commencer à engranger des commandes…et des acomptes. La Citroën Traction est donc présentée au grand public. La presse est unanime, c’est un grand succès, c’est une « voiture audacieuse et révolutionnaire ! »

Un lancement précipité source de nombreux problèmes

©citroenorigins.fr

Un grand succès dans les journaux oui mais…. Les pannes s’accumulent à une vitesse vertigineuse. Au point que le réseau Citroën qui, en plus, n’avait pas été formé (suite à la précipitation du lancement) ni approvisionné en pièces détachées fut totalement débordé par les retours clients. Les concessionnaires se sont donc retrouvé dans l’incapacité de réparer des pannes…neuves ! C’est une catastrophe d’un point de vue « notoriété » pour la marque !
Sans entrer dans les détails des pléthoriques problèmes on peut lister le renforcement obligatoire de la coque qui se pliait trop facilement ce qui alourdit la voiture (et donc nécessita une augmentation de la puissance), une boite à vitesse capricieuse voir impossible a monter (pour la boire automatique), des joints qui grippent au niveau de la transmission, manque de fiabilité des pièces, cardans avant qui cassent facilement, pavillon qui se déchire, mauvaise tenue de route…

Tout ceci contraignît en Juillet 1934 André Citroën à la vente de son entreprise à la famille Michelin. Il décédera peu de temps plus tard, le 3 juillet 1935, ruiné. On pourrait dire qu’attendue comme une « sauveuse » la Traction fit sombrer à ses débuts, Citroën et définitivement son créateur…
L’histoire aurait pu s’arrêter là mais la famille Michelin, séduite par le projet et comprenant bien que la Rosalie ne pouvait assurer la pérennité de la marque décida de restructurer la firme et de financer la fiabilisation du projet PV.

La Traction, une voiture en constante évolution…

Les ingénieurs de la firme aux chevrons n’auront par la suite de cesse d’améliorer et de fiabiliser la Traction. Initialement équipée d’un moteur 7cv de 1303cm3, 32ch ils augmentèrent la puissance à 9cv (35ch) des 7B, 7C, à 11cv pour la 7 Sport, la 11AL, 11A puis à 15cv (avec un 6 cylindres) pour la Traction 15.
Son équipement à la pointe pour l’époque : roues avant motrice, carrosserie quasi-monocoque en acier, quatre roues indépendantes, suspensions par barre de torsion, absence de châssis, freins hydrauliques, centre de gravité rabaissé (l’avantage de la traction avant)… Tout ceci permit à cette automobile une tenue de route hors du commun pour l’époque.
D’un point de vue esthétique ses lignes élancées, nerveuses, dynamiques, sa largeur de caisse couplée à un centre de gravité bas pour les années 30’ conféraient un caractère sportif à la voiture (pour l’époque).
Tant qu’à l’habitacle très « cosy » et spacieux il ne connaitra que peu de modifications. Les rares évolutions eurent surtout lieu fin des années 40’ / début des années 50’.

Finalement ce n’est qu’à partir 1936, après de nombreuses modifications que la Citroën Traction gagna sa réputation de fiabilité et ses lettres de noblesse. Cette dernière conduira d’ailleurs cette automobile a être adopté, avant guerre, par l’armée Française.
C’est alors qu’éclata la 2ndGuerre Mondiale obligeant l’usine Citroën à diminuer puis à stopper son activité de production automobile (1942) pour être cantonnée à une simple activité de réparation et de fabrication d’outils et de bicyclette.
La production automobile de l’usine ne reprendra qu’au second semestre 1945. Toutefois seule la production de la Berline sera relancée. Le temps n’étant plus au « luxe » mais aux familiales populaires et le Plan Pons aidant la famille Michelin décida de ne pas reprendre la production du cabriolet ou encore du coupé. L’usine ayant subi un bombardement au moment de la reconquête de la France de nombreux plans originaux de la Traction furent détruits. C’est d’ailleurs ce qui explique, entre autres, les petits couacs de la relance ainsi que les petites modifications esthétiques.

Au final, entre le 18 Avril 1934 et 1957 plus de 760.000 Traction, toutes versions confondues furent produites par l’usine Citroën  du quai de Javel (Paris). Point d’orgue de cette longue vie, l’année 1938 avec un record de 55.000 voitures produites !
En 1957 la célèbre petite Française qui aura marqué l’histoire s’efface au profit d’une autre Citroën qui rentrera elle aussi au Panthéon de l’automobile, la fameuse DS 19 (voir article).

©citroenorigins.fr

Petite rétrospective des modèles et des modifications effectuées sur la Citroën Traction :

  • Octobre 1934 : Présentation du prototype « 22 », une voiture de luxe équipée d’un V8 en
  • Avril – Juin 1934 : production de la première série de la Traction, la 7A (environ 6.000 exemplaires)
  • Juin – Octobre 1934 : la 7A remplace la 7B (un peu moins de 10.000 exemplaires)
  • Juin – Novembre 1934 : lancement de la 7S, une version sport de la Traction. Elle est équipée d’un moteur 11cv de 1911 cm3 et développant 46ch (quasiment 1500 exemplaires)
  • Octobre 1934 – 1941 : sortie de la 7C en remplacement de la 7B (67.000 exemplaires)
  • Novembre 1934 : sortie de la 11A (46ch, 1.9L), une voiture plus large et plus longue de 20cm que les version 7. Elle est équipée d’un moteur quatre cylindre de 11cv.
  • Novembre 1934 – Février 1937 : La 11AL remplace la 7S
  • 1935 : Les cardans sont revus et changés pour plus de fiabilité
  • 1936 : Un nouveau train avant plus fiable/stable ainsi qu’une direction à crémaillère sont montés
  • 1937 : sortie de la 11AM. Il s’agit d’une 11AL avec un moteur modifié pour être plus performant, plus puissant
  • Février 1937 : la 11B vient en remplacement de la 11A et la 11BL (Berline Légère) vient en remplacement de la 11AL

    ©citroenorigins.fr
  • Février 1939 : le moteur gagne 10ch (donc 56ch)
  • Février 1938 : sortie de la Traction 15 (77ch, 2.9L). Elle deviendra plus tard la 15G. Elle se distingue de la 11 grâce à un capot plus long de 11cm, aux bas de caisses équipés de sabots ou encore par la présence de crevés latéraux sur le capot. Équipée d’un moteur 15cv et d’un 6 cylindres en ligne (2867cm3), 77ch. Elle pouvait dépasser les 130 km/h. (Graal suprême pour les fans, posséder un des cinq cabriolets qui ont été produits… )
  • Juin 1947 : sortie de la 15/6D dont la dernière lettre signifie « droite ». Le montage d’une nouvelle boite de vitesse permet de rétablir le sens de rotation du moteur, à droite. Une nouvelle calandre affichant un chrome « 15 6 » ainsi que des ailes sont montées.
  • Juin 1950 : changement du volant 3 branches pour un 2 branches.
  • 1952 : la traction reçoit des clignotants (en remplacement des feux de positions) et une malle arrière rectangulaire. Le compteur, le tachymètre, la sellerie ainsi que le tableau de bord sont modernisés.
  • Octobre 1953 : La 15/6 Familiale est reproduite… brièvement (moins de 500 exemplaires)
  • Avril 1954 : la 15/6Hydro est dévoilée au public. La voiture est équipée d’un train arrière à suspensions hydropneumatiques.

Côté anecdotes :

©citroenorigins.fr (Traction Henri Chapron pour le Président René Coty)

Pour la petite anecdote, la Traction lança la longue tradition de « voiture officielle Présidentielle ». En 1954 le Président René Coty commanda deux Citroën 15H. La première fut un cabriolet réalisé par Henri Chapron. La deuxième fut une limousine dessinée par Philippe Charbonneaux et réalisée par Franay.
Toujours côté anecdote, vous pourrez facilement remarquer les premiers models de Traction grâce à leurs toits en moleskine et non en tole.

Pour finir, la Traction connut le succès également grâce aux nombreuses participations (et victoire) en compétitions : Rallye des Alpes, Rallye de Pologne, Rallye de Sestrière, Grand Prix d’Agadir, Rallye du Mont-Blanc, Rallye des Routes du Nord, 12H de Hyères, Rallye d’Automne, Critérium Neige et Glace…etc.

J’aurais plaisir à revenir sur la Traction 22 lors d’un prochain article. N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter pour être certain de ne pas louper les prochains articles

Jonathan

contact@1001voituresanciennes.art

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